Avec #RapDeal, notre agence 135 MÉDIA met à profit son expérience pour présenter les coulisses du monde du rap. Après vous avoir expliqué les agrégateurs, les éditions et la SACEM ou encore les marques et le rap, notre émission de vulgarisation de l’industrie musicale est de retour pour décrypter le fonctionnement des featurings.
Étape primordiale dans le développement de la quasi-totalité des rappeurs, les collaborations soulèvent souvent beaucoup de questions : est-ce que les labels payent les feats en France, comment sont partagés les revenus en éditions, comment feater avec un rappeur US et, finalement, pourquoi on autant de collaborations dans le rap FR ?
Les labels payent les feats en France ?
Contrairement à la croyance populaire, les featurings dans le rap ne sont pas payants en France, en tout cas pas de manière directe. Le label de l’artiste va bien rémunérer le feat en reversant un pourcentage. Dans la plupart des cas un contrat de featuring comprend :
- Un cachet : Souvent le minimum légal (soit une centaine d’euros) pour la participation de l’artiste invité à l’enregistrement et un deuxième cachet s’il participe au clip.
- Un pourcentage de royalties : Qui va être déduit de la rémunération de l’artiste principal, en général un feat prend entre 4 et 6% du morceau. Plus l’implication de l’invité est grande sur le titre, s’il participe au refrain par exemple, plus il va se rapprocher de la moitié du taux de l’artiste principal. Ce dernier touchera la moitié restante.
- Une avance : Il arrive que le label soit amené à verser une avance, sur ce pourcentage, au featuring. C’est assez rare car ça revient un peu à « payer » son feat dans des collaborations entre artistes souvent proches. Il existe d’autres éléments de négociation dans un contrat de featuring comme le fait de participer au clip, d’accepter le Primary Artist (que le morceau apparaisse sur son profil en streaming), les redevances sur les droits secondaires et de diffusion, les abattements… Le label de l’artiste va aussi généralement rémunérer le label du feat en lui donnant un pourcentage des revenus du titre (dit « overrides ») en échange de son autorisation (appelé dérogation d’exclusivité). Sur les exploitations principales on est en moyenne à 2-3%, et si l’artiste a une avance son label va probablement en demander une à son tour.
L’invité va toucher sur la part de l’artiste principal, jusqu’à la moitié des revenus
On s’est concentré sur le cas d’un featuring entre deux artistes, s’il y’a plus d’artistes sur le titre, c’est la même logique mais en divisant les montants. Bien entendu on parle ici de la majorité des cas, il existe des spécificités pour chaque feat ! Par exemple un artiste ou son label peuvent demander un flat, un montant forfaitaire, dans certains cas (là on peut parler de featuring payant) ou de co-produire le titre en question. Mais ça va correspondre à une minorité de cas.
Les éditions pour les feats comment ça marche ?
On a parlé de la partie master, gérée par le label, en tant qu’interprète. Mais si jamais l’artiste invité est aussi l’auteur d’une partie du texte, ou compose une partie de l’instru ou de la topline, il va aussi avoir le droit à sa part éditoriale.
Sur la partie éditions c’est assez simple, on va valoriser le travail de chacun et faire un partage de la part auteur (idem sur la part compositeur le cas échant). En général 12,5% chacun sur les 25% de la part auteur en cas de duo « équitable ». S’ils sont 3 sur le titre, à part égales ça fera 8 et un tiers chacun.
En cas de feats écrit par plusieurs artistes, la part auteur est divisée généralement à parts égales.
Côté éditeur c’est facile, il édite généralement toute la part de son artiste. Ainsi, si l’invité est éditeur ou co-éditeur de sa musique, il aura aussi une part éditeur sur le titre.
Et les feats américains ?
Mais quand les rappeurs français collaborent avec des rappeurs américains, un aboutissement pour certains, le fonctionnement est très différent !
Petite précision, on va parler de « vrais feats » : quand l’artiste FR va inviter un rappeur américain à poser un couplet inédit sur son morceau. Il existe aussi des remix, généralement motivés par le fait que les radios françaises sont soumises à des quotas de francophonie (on vous renvoi vers cet excellent article du Monde), qui rendent plus simple la diffusion d’un morceau US avec un couplet français. Dans ce cas le label US va se rapprocher de sa consoeur française pour trouver un rappeur français intéressés pour faire intégrer un couplet au remix (comme DDG x Koba, ou Gradur et Fetty Wap).
Dans un premier temps, le label français va généralement négocier directement avec le management de l’artiste. Sur le partage des revenus c’est assez classique et comparable au marché français : la moitié des éditions et la moitié de la part artiste. Mais ça se complexifie car les rappeurs US vont demander un « fee ». Un flat, un montant fixe non remboursable, qui va correspondre à des « missions » : enregistrement du morceau, participation au clip, follow de l’artiste, repartage du morceau ou clip sur les réseaux. En face, le label français va définir un calendrier de paiement par rapport à ces actions, par exemple : 50% à la signature, 25% à la réception des voix, 25% au tournage du clip.
Une fois les conditions validées avec l’artiste US et son management, il faut obtenir l’autorisation de son label, le « waiver », un document qui certifie que le label valide la sortie du morceau et renonce à toutes poursuites. Le label peut en profiter pour demander à son tour un flat contre cette autorisation, ce qui nécessite une nouvelle négociation. Certains labels français se contentent ainsi de l’autorisation de l’artiste et de son équipe, sans en avertir le label.
Faire un feat avec un rappeur US est un investissement qui coûte cher et qui s’avère pas toujours rentable même si des motivations personnelles justifient souvent ce genre de collaborations.
Mais pourquoi tout le monde feat ?
On l’a vu dans cet article, le featuring en lui-même rapporte mathématiquement moins d’argent pour l’artiste qu’un morceau solo vu qu’il va partager grosso modo la moitié de sa rémunération en tant qu’interprète et qu’auteur.
Les feats rapportent moins, à succès équivalent, qu’un morceau solo !
Côté rappeur invité, les pourcentage sont « cools » mais pas plus intéressant que de faire son propre morceau où il aurait aussi la totalité des revenus (voir une part producteur s’il est en licence ou distribution). Or à l’heure où est écrit cet article un tiers du top 50 rap FR sur Spotify sont des feats ! Et c’est sûrement ce qui explique l’importance des featurings, à succès équivalent ils sont moins « rentables » pour l’artiste, mais le fait de collaborer donne plus de visibilité aux morceaux, sûrement encore plus au streaming avec l’agrégation des audiences, et ça ça rapporte ! On retrouve le même phénomène chez les YouTubers qui multiplie le feat & fun, des vidéos divertissantes où ils invitent des « pairs » pour se attirer leurs communautés respectives (une des raisons du succès de Mc Fly & Carlito).
On vous remercie de votre intérêt sur le sujet, n’hésitez pas à aller checker nos autres #RapDeal pour mieux appréhender l’industrie musicale !
Super article, merci !